L’apport-cession est une magnifique solution proposée aux chefs d’entreprise qui envisagent de mieux structurer et optimiser leur patrimoine professionnel (création d’une holding pour investir dans plusieurs projets, diversifier ou sécuriser leur patrimoine professionnel, etc.). Pourquoi est-il si intéressant ? Parce qu’il permet de réinvestir le prix de vente des titres de ses sociétés opérationnelles dans de nouveaux projets économiques, en évitant la fiscalisation immédiate des plus-values ainsi constatées. Ceci permet ainsi de bénéficier d’une enveloppe financière plus importante pour le développement d'une nouvelle activité.
Ce mécanisme doit toutefois être utilisé avec de grandes précautions. Trop souvent utilisé pour “frauder l’impôt sur la plus-value”, il est rare qu'une opération d'apport-cession ne soit pas contrôlée (au moins à distance) par l’administration fiscale, qui voit souvent d’un mauvais œil ces opérations de restructuration.
L’apport-cession en bref :
Tout d’abord, de quoi parlons-nous ? Le schéma classique est le suivant :
Étape n°1 : L’apport
Le chef d’entreprise apporte ses titres dans la société A à une société holding H dont il a le contrôle. À l’occasion de cette première étape, le chef d’entreprise va décider de placer la plus-value alors constatée en report d’imposition, selon le régime de l’article 150-0 B ter du Code général des impôts. Cela signifie que le montant de la plus-value imposable est calculée et arrêtée, mais que le paiement de l’impôt (prélèvements sociaux compris) dû est remis à plus tard.
Pour rappel, la plus-value constatée à ce moment-là est égale au prix d’acquisition des titres diminué de la valeur des titres au jour de l’apport (le calcul est un peu plus fin en réalité, mais restons simple).
Étape n°2 : La cession
Ensuite, les titres de la société A sont vendus par la holding H à une société ou une personne physique. À ce moment-là, on distingue l’impôt lié à l’apport initial, placé en report, et l’impôt lié à la cession.Pourquoi est-il intéressant fiscalement ?
Tout simplement parce que le report d’imposition, alors toutefois que les titres de la société A sont bien cédés à un tiers, peut être maintenu. Autrement dit, pas d’impôt sur la plus-value.
Attention, le maintien du report est soumis à des conditions. Il est nécessaire :
- Soit, que la cession ait lieu plus de 3 ans après l’apport ;
- Soit, si la cession a lieu moins de 3 ans après l’apport, que le produit de la cession soit réinvesti dans les 2 ans de la cession pour au moins 60% de son montant dans une activité économique répondant aux conditions de l’article 150-0 B ter (globalement il faut réinvestir la somme dans une société opérationnelle ou un fonds de capital investissement et justifier d’une détention de ce réinvestissement pendant 1 an en cas de réinvestissement direct ou 5 ans en cas de réinvestissement via un fonds).
Concernant l’impôt lié à la cession, la plus-value éventuellement réalisée (valeur des titres apportés diminuée du prix de cession des titres) sera imposée selon le régime des titres de participations, à savoir une imposition à l’impôt sur les sociétés d'après le taux applicable à la société, mais sur seulement 12% de son assiette.
L’opération globale s’effectue ainsi en “neutralité fiscale”, mise à part l’imposition de l’éventuelle plus-value constatée au moment de la cession, laquelle imposition est par ailleurs elle aussi limitée à seulement 12% du montant de la plus-value (soit une imposition effectivement particulièrement faible).
Que se passe-t-il de l’impôt placé en report si je respecte ce schéma et que je ne mets pas fin au report ?
Dans ce cas, le report est maintenu et l’impôt n’aura pas à être payé, et ce, jusqu’à ce qu’un évènement mentionné à l’article 150-0 B ter ne survienne.
Quelques exemples d’évènements qui peuvent impacter le report ou y mettre fin :
- La cession à titre onéreux, le rachat, le remboursement ou l'annulation des titres reçus en rémunération de l'apport (à savoir, les titres de la société holding H dans notre schéma) ;
- La cession à titre onéreux, le rachat, le remboursement ou l'annulation des parts ou droits dans les sociétés ou groupements interposés (à savoir, les sociétés éventuellement placées entre la holding H et la société A dans notre schéma) ;
- Le transfert par le chef d’entreprise de son domicile en dehors de la France.
À noter que dans certains cas, la plus-value placée en report d’imposition au moment de l’apport peut être définitivement exonérée.
Besoin d’un exemple chiffré ?
Prenons le cas d’une société A, entièrement constituée par Camille.C'était le premier projet entrepreneurial de Camille. Camille avait initialement réalisé un apport pour 2 000 €. 10 ans après, sa société est valorisée 200 000 €, soit une plus-value latente de 198 000 € (200 000 - 2 000). Aucun autre frais n'a été subi et ne peut donc être déduit du montant de sa plus-value.
Cette première expérience a donné le goût de l'entrepreneuriat à Camille, qui commence à réfléchir à de nouveaux autres projets.
Camille décide d’apporter les titres de sa société dans une holding soumise à l’impôt sur les sociétés. A ce moment-là, la plus-value est donc de 198 000 €, et l’impôt latent de 59 400 € (25 344 € d'impôt et 34 056 € de prélèvements sociaux). Cet impôt est placé en report.
Deux ans plus tard, Camille, à travers sa holding, revend les titres de A à Lou pour 250 000 €. Une partie du prix de cession (200 000 €) est réinvesti 2 ans plus tard lorsque Camille décide de créer une nouvelle société dans la commercialisation de bioplastiques. Camille n’aura pas à payer d’impôt sur sa plus-value latente, car plus de 60% des fonds ont été réinvestis dans une activité opérationnelle.
En revanche, puisque la valeur des titres de A a augmenté entre le moment où Camille a apporté ses titres à sa holding et au moment de leur revente, sa holding acquittera un impôt sur la plus-value de 50 000 € (250 000 - 200 000). Puisque H est une société soumise à l'impôt sur les sociétés et qu'elle détient l'intégralité des titres de A, elle pourra bénéficier du régime mère-fille et voir alors la base imposable de la plus-value être réduite à 12%. L'impôt sur la plus-value sera donc de 900 € ou de 1 560€ selon qu'elle bénéficie ou non d'un taux réduit à l'impôt sur les sociétés.
Quelques préconisations :
Lorsque l’on souhaite mettre en place un tel schéma, des précautions doivent être prises (délai suffisant, objectif économique ou patrimonial, vérification des possibilités juridiques et fiscales, appréciation de la notion de contrôle, existence ou non d'une soulte, activités dans lesquelles les fonds sont réinvestis, etc.). Il est essentiel de rappeler que vous n’êtes pas à l’abri d’une dévalorisation importante de vos actifs entre les opérations d’apport et de cession (même si des solutions existent pour en limiter les impacts), ou encore que les mesures fiscales que vous vouliez voir appliquer à votre activité ne soient remises en cause (réforme fiscale, loi de finances, contestation par la jurisprudence ou le comité d'abus de droit, etc.).
Sans compter que réaliser de telles opérations dans le seul but (ou dans le but principal) d’éluder l’impôt est constitutif d’une fraude fiscale.
Un article sera d'ailleurs prochainement dédié à l’abus de droit dans les opérations d’apport-cession. N'hésitez pas à aller le consulter.
L'apport-cession n'est pas la seule solution pour optimiser la gestion de votre patrimoine professionnel, et possiblement plus simple (et moins coûteuse) que l'apport-cession. Il nous arrive régulièrement de constater que des schémas d'apports-cessions sont mis en place, alors toutefois que l'impôt aurait, dès le départ, pu être intégralement ou grandement exonéré si les bons leviers avaient été levés.
C’est pourquoi il est important de se rapprocher d’un conseil éclairé pour anticiper toutes les conséquences sur vos projets personnels et professionnels.
Par ailleurs, n’oubliez pas que la loi fiscale change, et change vite. Il est possible que certains des éléments évoqués ici ne s’appliquent pas à votre situation (opérations réalisées précédemment et placées sous un autre régime fiscal, domiciliation et résidence fiscale, régimes dérogatoires, etc.).
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Dernière mise à jour : 20 septembre 2024