Après des années de zone grise, propices aux dérives et arnaques générées mais aussi parfois subies par les influenceurs, le Parlement s’est (enfin) saisi du sujet et a adopté l’été dernier une loi permettant de clarifier, de qualifier, d’encadrer et de contrôler le secteur de l’influence, dont l’ampleur ne cesse de croître.
Cette loi et les débats et discussions qui l’ont précédés ont permis d’apporter quelques réponses aux nombreuses questions que l’on pouvait se poser : qu’est-ce qu’un influenceur exactement ? Est-il un professionnel comme les autres ? A-t-il des obligations envers sa “communauté” ? Sa liberté d’expression connaît-elle des limites ? Mais aussi, d’un autre point de vue, qui peut l’accompagner ? Dans quel cadre cet accompagnement peut-il être mis en place ? Comment encadrer pour mieux protéger l’influenceur ?
Deux objectifs majeurs peuvent être identifiés dans cette loi :
- L’encadrement des acteurs du secteur de l’influence, à savoir principalement les influenceurs eux-mêmes et leurs agents, mais aussi les plateformes sur lesquelles les influenceurs exercent leur activité ;
- La protection des consommateurs, souvent au jeune âge (l’âge où on est le plus influençable justement !).
Cette avancée est à saluer car la France est le premier pays européen qui a instauré un cadre de régulation de l’influence commerciale sur les réseaux sociaux, certaines pratiques étant réglementées voire interdites. Le développement de ce secteur économique va donc pouvoir continuer sans que des arnaques ou escroqueries ne restent impunies.
Quels sont les objectifs soutenus par la loi influenceurs ?
Objectif n°1 : Encadrer les acteurs de l’influence et leurs activités
Cet encadrement passe par la définition de ces acteurs, la clarification de leurs relations et la responsabilisation des plateformes numériques concernées.
D’après la loi du 9 juin 2023, l’influenceur est la personne, physique ou morale, qui, à titre onéreux, mobilise sa notoriété auprès de son audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d'une cause quelconque.
Afin de protéger les influenceurs dans le cadre de l’exercice de leurs activités, l’activité d’agent d’influenceur est également définie. Elle “consiste à représenter, à titre onéreux, les personnes physiques ou morales exerçant l'activité d'influence commerciale par voie électronique (…) avec des personnes physiques ou morales et, le cas échéant, leurs mandataires, dans le but de promouvoir, à titre onéreux, des biens, des services ou une cause quelconque”. La relation entre l’influenceur et son agent est désormais clairement encadrée. Elle doit être formalisée par un contrat écrit répondant aux conditions de forme et de fond applicables à tout contrat, prévues dans le Code civil. Il s’agira d’un contrat de mandat, l’influenceur mandatant son agent pour le représenter et représenter ses intérêts.
Les agents sont ainsi soumis à la double obligation de mettre tout en œuvre afin de défendre les intérêts des influenceurs qu’ils représentent, tout en s’assurant du respect par ces derniers de leurs propres obligations.
Un partage de responsabilité, avec les agents mais également avec les plateformes numériques, des agissements et dires des influenceurs s’opère. En effet, les plateformes sont elles-aussi responsabilisées en ce qu’elles sont tenues de mettre en place des mécanismes permettant de signaler puis retirer les contenus illicites, voire frauduleux. Elles sont également tenues de publier des informations nécessaires et de permettre aux influenceurs d’afficher clairement le caractère commercial de leurs publications. Afin de bien protéger les internautes, il est prévu en outre que les plateformes engagent leur responsabilité si elles n’agissent pas, alors que des contenus irréguliers leur ont été signalés. Il s’agit notamment de l’affichage d’un message d’avertissement aux consommateurs, du déréférencement d’un compte sur un réseau social ou de la limitation de l’accès ou le blocage d’un compte sur un réseau social.
Objectif n°2 : Protéger les consommateurs
La protection des consommateurs du secteur de l’influence commerciale en ligne passe par la règlementation des activités des influenceurs, permettant de lutter contre les fraudes et les publicités dangereuses, et la transparence sur les réseaux sociaux.
D’une part, les influenceurs auront l’interdiction de publier certains contenus. Ainsi, la loi interdit un certain nombre d’agissements, comme la promotion de produits ou activités illicites ou dangereuses pour la santé des internautes (tabac, vapotage, chirurgie et médecine esthétiques, jeux d’argent, abonnements à des conseils ou pronostics sportifs, abstention thérapeutique, etc.). Ces agissements seront punis, la sanction pouvant aller jusqu’à une peine d’emprisonnement de 1 à 2 ans, selon les cas, couplée à une amende de 300 000 euros et une interdiction d’exercer.
D’autre part, les influenceurs devront faire preuve de plus de transparence, notamment afin de protéger la santé mentale des internautes mais aussi de bannir les publicités dissimulées. Les photos ou vidéos retouchées devront l’indiquer clairement, avec la mention “image retouchée”. Les publications publicitaires devront également être identifiées, avec la mention “publicité”.
En raison d’abus passés, un article de la loi est spécifiquement dédié à la promotion d’actes médicaux et aux produits contenant de la nicotine. Les promotions à ce sujet devront être indiquées de manière claire, lisible et identifiable. Dans l’espoir que les victimes éventuelles soient certaines d’être indemnisées, une responsabilité solidaire a été mise en place entre l’annonceur, l’influenceur et son agent. Pour éviter aussi les risques encourus si l’influenceur qui vit hors de France vise un public français, ce dernier doit désigner par écrit un représentant légal (personne morale ou physique) dans l’Union européenne tout en souscrivant une assurance civile auprès d’un assureur établi dans l’Union européenne afin de garantir les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile.
Le législateur a mis en place un nouveau contrôle assuré par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Une équipe dédiée est chargée de surveiller les réseaux sociaux, d’examiner et de répondre aux signalements reçus et de mettre en place les sanctions adaptées. Grâce à cette brigade d’influence commerciale, les contrôles opérés par la DGCCRF ont été renforcés. Un pouvoir d’injonction sous astreinte est inséré dans le Code de la consommation pour que ses agents puissent contraindre l’influenceur à retirer son contenu illicite ou obliger les plateformes en ligne à suspendre rapidement son compte.
Vous souhaitez aller plus loin ?
La loi influenceur n’est pas la seule à régir le secteur de l’influence. Diverses mesures ont également été prévues dans des secteurs plus spécifiques, notamment dans les secteurs de la finance décentralisée (notamment dans la secteur de la cryptomonnaie, du Web3 et du jeu-vidéo intégrant des briques play-to-earn).
Si vous souhaitez en savoir plus sur cette loi, n’hésitez pas à la consulter ici.
Pas sûr d’avoir saisi toute la teneur de vos nouvelles obligations ? Saviez-vous qu’un guide spécifique de bonne conduite a été publié ? Le voici : guide-bonne-conduite-influenceurs-createurs-contenus.pdf.Et sinon, nos équipes se tiennent à votre disposition pour vous aider à adapter votre activité à ces nouvelles dispositions légales.
Dernière mise à jour : 4 avril 2024