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Loi PACTE – Retour sur les mesures adoptées

Retour sur les mesures adoptées et intéressant les grandes sociétés

Et si nous revenions sur les dernières évolutions de la loi PACTE votées par l’Assemblée Nationale (en discussion au Sénat en janvier) et intéressant les groupes ? Cet article est plutôt destiné aux sociétés déjà créées, même si vous, créateurs d’entreprises, pouvez être intéressés par certaines des problématiques posées.

On pourrait résumer les propositions de la Loi PACTE en deux objectifs phares :

1° Le souhait d’intégrer dans le projet d’entreprise les enjeux sociaux et environnementaux

Une nouvelle place sera donnée aux entreprises qui souhaiteront faire prévaloir les intérêts sociaux et environnementaux dans leurs projets d’entreprise.

Plusieurs mesures sont prévues :

  • L’INTÉRÊT SOCIAL intègrera désormais des enjeux environnementaux et sociaux : l’intérêt social (définit communément comme l’intérêt des associés et de la société, le projet d’entreprise, qui est en général la poursuite d’un projet en vue de réaliser des bénéfices ou des économies) pourra désormais également être de préserver des intérêts sociaux (partage des gains aux salariés, réalisation d’une activité à valeur humaine ou destiner à améliorer le quotidien de personnes en difficultés), et/ou environnementaux (un maraicher par exemple qui décide d’exploiter en biodynamie ou selon les principes de la permaculture, etc.).
  • La RAISON D’ÊTRE d’une entreprise : la société pourra intégrer, au moment de la rédaction de ces statuts, des mesures permettant d’expliquer sa raison d’être. Nouvelle création, cette mesure restera toutefois optionnelle.
  • La création de la SOCIÉTÉ A MISSION : création toute nouvelle, mais qui peut être mise en lien avec l’extension de l’agrément ESUS aux entreprises commerciales. La Loi PACTE propose la création de sociétés à mission, francisation de la « Benefit Corporation » américaine, qui devra avoir pour objet la poursuite d’objectifs sociaux et environnementaux, conforme à sa raison d’être. On permettra ainsi d’offrir à ceux qu’on appelait les « entrepreneurs sociaux » un cadre juridique, une véritable labellisation, dès lors que leur projet de création de société s’inscrit dans le projet plus global de protection de l’intérêt général. Cette nouvelle forme de société sera toutefois encadrée, en interne (nomination d’un responsable) et en externe (création d’un comité en charge de la surveillance du respect des conditions).
  • La mise en place d’un statut spécifique pour les FONDS DE PÉRENNITÉ ÉCONOMIQUE, fondations d’entreprises qui ont pour objet principal la redistribution des bénéfices réalisés par les grands groupes dans des projets d’intérêt général (projet scolaire, préservation d’un métier en voie de disparition en lien avec la branche du groupe, projets écologiques ou sociaux, développement d’infrastructure, etc.).

Que tirer de ces nouvelles mesures ?

Le législateur démontre ici l’importance nouvelle d’offrir un cadre aux entreprises pour lesquelles le RSE est primordial. Les entrepreneurs sociaux, toujours plus nombreux, ont compris qu’un projet social et/ou environnemental ne pouvait survivre s’il n’était développé que dans un cadre associatif. La Loi PACTE leur offre donc un nouveau cadre qui permettra de développer leurs projets dans une forme sociétale adaptée à leurs projets. Et pourquoi pas à arriver jusqu’à une labellisation ?

La Loi PACTE offre également un cadeau aux grandes entreprises qui souhaitent redistribuer leurs bénéfices à des projets environnementaux ou sociaux. On peut penser à ENI qui propose de compenser l’impact CO2 généré lors de la fourniture du gaz en le monétisant et investissant son équivalent dans des projets de reforestation. Ou encore à Rolex, dont la fondation redistribue une partie des bénéfices générés par l’entreprise pour la construction de ponts en Suisse, pour la préservation du métier d’horlogerie, dans les universités. Ou, plus récent, à Patagonia qui a proposé de redistribuer à des associations environnementales les 10M$ de cadeaux fiscaux réalisés par Trump.

Des sanctions prévues ?

Pour le moment, les sanctions restent à préciser. Il est prévu par exemple l’annulation d’une délibération qui viendrait à contredire l’intérêt environnemental ou social pris par la société, ou encore contraire à la raison d’être de l’entreprise. 
Concernant les sociétés à mission, si les différentes mesures trouvaient à ne pas être appliquées, la responsabilité du dirigeant pourra être engagée et la perte du statut de la société à mission être prononcée.

2° Une transparence accrue et une souplesse nouvelle dans les plus grandes sociétés

Plus de transparence pour les conventions réglementées

La Loi PACTE prévoit que désormais, dès lors que la société sera contrôlée, quel que soit le pourcentage du contrôle, un contrôle des conventions réglementées devra être mis en place.
Il suffira qu’une personne ait un intérêt même indirect pour exiger l’information préalable du Conseil, sans que cette personne ne puisse voter. Sa voix sera toutefois prise en compte dans l’établissement du quorum.
Les conventions courantes, (dites libres), devront être communiquées aux actionnaires avant la tenue de l’assemblée générale.
Les conventions réglementées devront également faire l’objet d’une publication sur le site internet de la société, au plus tard à leur conclusion, sous réserve bien sûr de la réunion de certaines conditions.

La Loi PACTE met à mal la représentation obligatoire du CAC

Le Commissaire aux comptes, actuellement toujours obligatoire dans les SA et SCA, ne le sera plus. La Loi PACTE propose un alignement de la mesure déjà prévue pour les SAS. Ainsi, la nomination d’un CAC ne sera rendue obligatoire, que pour les entreprises ayant plus de 4M€ au bilan, employant au moins 50 salariés et/ou réalisant au moins 8M€ de chiffre d’affaires.

Par contre, il deviendra obligatoire dans les sociétés holding têtes de groupe, qu’il s’agisse d’une société commerciale ou une société civile, sous réserve bien sûr du dépassement des seuils précités par l’ensemble du groupe.

Les CAC actuellement sous mandat pourront poursuivre leur mission jusqu’au terme de leur contrat.

Contrôle des rémunérations du dirigeant

Quant à la rémunération du dirigeant, le bilan des propositions de la Loi PACTE est assez mitigé :
  • Les obligations de publication de la rémunération des 5 à 10 salariés les mieux rémunérés sont assouplies. Il faudra que l’entreprise emploie au moins 250 salariés (contre 200), pendant au moins 5 années consécutives.
  • Mise en place du mécanisme de Say on Pay : la rémunération du dirigeant devra être votée deux fois, une fois au moment de son attribution, puis une seconde fois, après attribution, pour la partie variable de la rémunération.
  • Conformément aux recommandations de l’AMF proposées en 2016, la détermination de la rémunération devra prendre en compte également la réalisation de différentes mesures extra-financières (environnementales et sociaux). la Loi PACTE propose également la mise en place d’un ratio d’équité entre la rémunération de chaque mandataire social, mais également entre la rémunération du mandataire et la rémunération médiane (et non moyenne) de tous les salariés de l’entreprise ou du groupe. 

Actions de préférence – un rattrapage 15 ans après

Ici, la loi PACTE propose de corriger deux erreurs de la réforme de 2004, et notamment:
La généralisation des actions de préférence à droit de vote plural à toutes les sociétés, dès lors qu’elles ne sont pas cotées
La mise en place d’actions de préférence rachetables à l’initiative conjointe de la société et du détenteur, permettant de prévoir, dès leur attribution, dans les statuts notamment, les modalités futures de rachat (prix fixe, modalités de fixation de prix, etc.) sous réserve toutefois des prescriptions jurisprudentielles. A voir si l’administration fiscale voit de telles solutions d’un bon oeil et ne risque pas d’appliquer sa doctrine relative aux clauses d’earn out à ces actions de préférence…

Timing pour la Loi PACTE : une adoption pour printemps !

Le premier projet a été voté à l’Assemblée Nationale. Il sera analysé par le Sénat en janvier prochain. L’idée sera ensuite de présenter le projet devant une Commission Paritaire Mixte.
L’objectif est simple : une entrée en vigueur de la loi PACTE pour le printemps.

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